Josette Nickels (5ème Dan) le 13 février 2016
Lorsque que j'ai contacté tout le monde pour signaler l'intervention de Josette Nickels à Varennes-Jarcy, parmi la multitude de réponses que j'ai reçue, une personne m'a dit, je cite: "Vous avez bien fait d'inviter Josette car c'est une belle personne !". Une jolie expression qui convient tout à fait à notre invitée. Voici donc l'interview d'une "belle personne" qui n'a peut-être pas forcement une reconnaissance à la hauteur de son engagement.
Peux-tu nous préciser les grandes étapes de ta pratique des arts martiaux ?
- Saison 1976/1977, début de la pratique de l'aïkido.
- Saison 1978/1979, ouverture d'un premier club à Fontenay-aux-Roses. Début de l'enseignement de l'aïkido enfants en tant qu'assistante de Jacqueline Lidy, professeur en titre.
- 1980, 1er dan.
- 1986, Brevet fédéral d'aïkido. Début de l'enseignement de l'aïkido adultes.
- 1995, 4ème dan. Au cours de cette période, pratique de l'aïkido et du ken jutsu avec Christian Tissier à Vincennes et cours de ken jutsu avec Philippe Bersani au dojo de Fontenay-aux-Roses.
- 1995, début des traductions de livres sur les arts martiaux pour Budo Editions, ou comment apprendre et comprendre en alliant deux passions l'aïkido et la traduction.
- Saison 1998/1999, ouverture d'un deuxième club à Châtillon, prise en charge des cours adultes et des cours enfants.
- 2000, BEES 1er degré.
- 2002, BEES 2ème degré, Tronc commun formateur.
- 2004, 5ème dan. Au cours de cette période, pratique de l'aïkido avec Christian Tissier à Vincennes jusqu'en 2008, pratique du Bagua Zang, du Xing hi et du Tai chi avec Philippe Grangé en stage et au dojo de Châtillon avec Nicolas Perez pendant 5 ans, pratique du Ken Jutsu de la Kashima no tachi depuis 2007 sous la direction d'Inaba Sensei et d'Araya Kancho.
Comment s'est passé ton premier contact avec l'aïkido ?
- Alors que je travaillais à la FFJDA (fédération de Judo) afin de payer mes études, un repas fut organisé pour les personnels et les élus. Les discussions et les plaisanteries allant bon train quant à l'intérêt des différentes disciplines, vint le moment où ces messieurs les élus, eux-mêmes professeurs de judo, d'aïkido, etc. firent un pari : « celui qui gagnerait le pari devait initier les néophytes à leur pratique martiale. » J'étais parmi les néophytes et ce fut, Louis Clériot, professeur d'aïkido, qui gagna le pari. Nous nous sommes donc tous retrouvés sur un tatami que je n'ai plus quitté depuis... J'avais trouvé mon royaume fait de sensations et d'échanges, de recherche et de communication sans pour autant renoncer à l'engagement physique.
"J'avais trouvé mon royaume fait de sensations et d'échanges, ..."
Quelles sont les rencontres qui ont été importantes pour toi pendant tes années de pratiques ? Quels sont tes meilleurs souvenirs de pratiquante ?
- Mes 40 années de pratique ont été jalonnées de rencontres lumineuses et d'instants magiques qui ont participé à ce que je suis devenue aujourd'hui. Il m'est difficile de nommer tout ceux et celles à qui je dois d'éprouver toujours autant de plaisir à pratiquer et à enseigner. Je ne donnerai ici que les trois exemples fondateurs pour n'oublier personne, mais, je remercierai tous ceux qui ont partagé et partage encore cet élan avec moi, mes copains de tatami, mes élèves de France et d'ailleurs et tous les techniciens, les pratiquants et les enfants croisés le long du chemin.
"... tout ceux et celles à qui je dois d'éprouver toujours autant de plaisir à pratiquer et à enseigner."
Après trois mois de pratique, première démonstration avec Christian Tissier à l'occasion du salon de la femme dans le rôle de la débutante, humilité garantie. Comme pour nombre d'entre nous si ce n'est tous, Christian Tissier sera pour moi le garant d'un apprentissage technique alliant pertinence et efficacité.
Première saison de pratique et premier stage avec Yamagushi Sensei à qui je dois ma première chute enlevée sans même savoir chuter, mais ce souvenir « rencontrer une montagne et tomber dans un précipice » sera le déclencheur d'une passion jamais démentie. Il fallait que je comprenne ce que j'avais ressenti, que je comprenne ce que plus tard je découvrirai être la dimension interne de l'aïkido.
2007, première rencontre avec Inaba Sensei, maître de la Kashima no Tachi, et évolution de ma pratique du Ken Jutsu. 2010, réalisation du Ura dachi (2ème kata) avec Inaba Sensei dans le dojo d'origine de l'école Kashima pendant un séminaire d'instructeurs au Japon, où comment affronter ses peurs et dépasser ses limites portée par l'aura d'un lieu et l'empathie d'un maître.
"... rencontrer une montagne et tomber dans un précipice."
Comment définirais-tu ton aïkido ?
Il me paraît présomptueux d'envisager l'aïkido que je pratique et enseigne comme « mon aïkido. » Je le considère plutôt comme une création collective qui à travers mes capacités physiques et ma sensibilité intellectuelle trouve progressivement sa concrétisation autour de deux axes : la force « Shikara » et la flexilbilité « Yawara, » pour que le yin (féminin) et le yang (masculin) ne fassent qu'un, « inyo ittei. »
En novembre dernier, tu as organisé un voyage au Japon avec certains de tes élèves, peux-tu nous en dire quelques mots ?
- Membre d'une association internationale, j'ai organisé avec deux complices (allemande et suisse) une visite de femmes au Shiseikan dojo de Tokyo (haut lieu de la Kashima no tachi) et ait pu faire profiter de l'aubaine deux de mes élèves Emy et Fany, pratiquantes de Kenjutsu. C'est ainsi que treize pratiquantes de six pays différents ont découvert le Japon et le monde du budo : pratique du kenjutsu et du taijutsu, balades et shopping à Tokyo, découverte des monastères bouddhistes de kamakura et séance de zazen, découverte du mont Mitake et misogi (purification) sous une cascade. Autant de souvenirs qui nourriront leur engagement dans la pratique.
Depuis juin 2015, tu as pris ta retraite de directrice administrative de la ligue Ile de France. Je te cite : « C'est inimaginable tout ce qu'on peut faire lorsqu'on a du temps devant soi. » As-tu des projets particuliers en ce qui concerne l'aïkido ?
- Oui, en juillet, voyage au Japon avec cinq ados pour participer à un « children summer camp » organisé par le Shiseikan dojo devant regrouper 5 jeunes japonais, 5 russes et 5 français.
Une belle expérience pour ces ados pratiquant depuis de nombreuses années au sein de la section enfants du club et ayant rejoint la section adultes cette saison. Nous serons deux à les accompagner, moi-même et une interprète japonaise parlant couramment français.
Et enfin, devant bénéficier d'une bourse d'étude accordée par le Meiji Jingu, je vais séjourner un peu plus d' un mois à Tokyo pour pratiquer, pratiquer et pratiquer encore au Shiseikan dojo et à l'aïkikaï hombu dojo, mais aussi et surtout travailler à un domaine qui m'intéresse plus que jamais : la transmission du budo à travers une compréhension élargie de la culture japonaise.
Aussi, dès aujourd'hui : approfondissement de mes petites connaissances en japonais, lecture ou relecture d'ouvrages traitant de la culture japonaise, du budo, du shintoïsme et du bouddhisme, force cogitation et premiers écrits...
"la transmission du budo à travers une compréhension élargie de la culture japonaise."
Nous avons pu le constater durant cette matinée, tu es omniprésente dans tous les coins du tatami. C'est important pour toi de garder le contact avec tous les élèves ?
- Cela me semble naturel car indispensable surtout lorsque comme aujourd'hui le travail visait à appréhender la relation UKE/TORI à travers le contact et la permanence de ce contact tout au long de la technique.
Il est important d'offrir à chacun la possibilité d'expérimenter personnellement les sensations recherchées, de prendre conscience du hara à travers une transmission directe.
"... le professeur est autant en situation d'apprentissage que l'élève, ..."
Il s'agit d'un échange profitable également pour moi, chaque situation étant différente, cela me permet d'expérimenter, de formuler ou reformuler consignes et conseils. C'est la principale richesse de l'aïkido, le professeur est autant en situation d'apprentissage que l'élève, la richesse de la relation « maître/élève. »
Sans oublier le plaisir de la pratique, « carburant » indispensable lorsqu'on enseigne et que l'on n'a pas toujours le temps ou la possibilité de redevenir régulièrement un simple pratiquant.
C'est ta première animation à Varennes-Jarcy. As-tu un message particulier à adresser aux participants ?
- D'abord un grand merci pour leur accueil chaleureux et leur réel engagement dans la pratique, sans oublier leur disponibilité d'esprit.
J'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver de nombreux anciens de l'école des cadres, ainsi qu'Elyse ma nouvelle payse, Pascal mon webmaster préféré, et bien sûr tous les amis de l'aïkido.
"Le grade ne doit pas être vécu comme une sanction mais comme une reconnaissance."
Tu as longtemps pris part à l'organisation des passages de grades, quels conseils donnerais-tu aux futurs candidats ?
- Question difficile, mais sincèrement, je pense qu'il ne faut pas anticiper sa présentation à un grade et que la « course au temps minimum » n'est pas la solution. Le grade ne doit pas être vécu comme une sanction mais comme une reconnaissance. Il faut prendre du plaisir pendant le passage, se préparer techniquement, mais aussi physiquement... un peu de course à pieds, de natation :-( selon les goûts de chacun. Une recette que j'ai moi-même adoptée :-) et que je conseille à mes élèves.
Pour finir, quelle question aurais-tu aimée que je te pose ? Et quelle aurait été ta réponse ?
Avec le temps, où trouver la motivation pour continuer à pratiquer ?
- Dans le plaisir d'apprendre, de découvrir, d'expérimenter et de partager. Il est important de ne jamais rester sur ses acquis, de battre en faux ses propres convictions et de ne jamais renoncer à découvrir de nouvelles approches.
Dans les rencontres avec de grands sensei, mais aussi de jeunes sensei en devenir qui assureront la transmission de l'aïkido aux nouvelles générations. Il faut savoir profiter des périodes d'expérimentation et de recherche de ces derniers, lorsque l'enthousiasme et la générosité participent de leurs modalités d'enseignement.
"... ne jamais rester sur ses acquis, ..."
Mille fois merci Josette pour cette superbe animation et pour cet interview. Cette belle matinée, ce moment de partage et cet entretien resteront des moments forts dans les mémoires des aïkidokas et dans l'histoire de notre petit club.
Domo arigatoo gozaimashita !!
P@scal