François FORNI (Kinomichi) le 05 juillet 2011

Le 05 juillet 2011,

Vous vous souvenez sûrement de sa magnifique animation découverte du Kinomichi à Varennes-Jarcy le 27 mai 2011 au cours de laquelle nous avions bien senti que François avait encore plein de choses à nous dire. Son kinomichi transpire la passion, la bonne humeur et le personnage n'est pas avare lorsqu'il s'agit de partager sa pratique. Voici donc François FORNI des Ki Shin Dojos, fils de Lucien FORNI, un des premiers instructeurs de Kinomichi.

- Peux-tu te présenter à nos lecteurs et nous préciser les grandes étapes de ta pratique des arts martiaux ?

J’ai pratiqué le judo 1971 à 1976, puis l’Aïkido de 1976 à 1979, date de la création du Kinomichi par Maître Masamichi Noro auquel je suis resté fidèle jusqu’à aujourd’hui. J’ai 46 ans cette année et je fête donc ma 40ème licence au club d’Enghien les Bains.

- Comment passe-t-on du judo au kinomichi ?

En fait je baigne dans l’ambiance des dojos depuis ma naissance. Mon père Lucien FORNI, judoka et aïkidoka à l’époque m’a, dès l’âge de six ans, inscrit au club pour le judo. Il était, à l’époque, l’un des professeurs de judo du club et il pratiquait parallèlement l’Aïkido au club et avec Maître Noro. J’adorais le judo pour sa technique mais je n’étais absolument pas un compétiteur. Ainsi lorsque mon père est devenu le professeur d’Aïkido de la section, j’ai très vite suivi ses cours, me sentant beaucoup plus dans mon élément. Puis lorsque Maître Noro passa de l’Aïkido au Kinomichi, nous l’avons tout naturellement suivi.

"..laissons le temps à maitre Noro de nous mettre sur la voie ..."

- Comment s'est passé ton premier contact avec le kinomichi ?

Même si Maître Noro nous préparait plus au moins au changement, ce fut, pour nous tous en 1979, un premier contact très perturbant et très déstabilisant. Outre le fait de réaliser les techniques statiques avec la notion d’étirement, il y avait aussi le changement du nom des mouvements (Ikyo devenait Itchi ; Shiro nage, Iten ; frappes et saisies devenaient formes de contact ; Katate dori, 2ème forme etc.) et l’apparition d’un nouveau programme (classement des mouvements en terre et en ciel ; différents niveaux de pratique nommés Initiation 1, 2 etc.)
On était perdu, beaucoup d’anciens pratiquants quittaient cette voie pour rester dans l’Aïkido : tout changeait très vite et on ne voyait pas où Maître Noro voulait nous guider. Mais, mon père, Lucien nous disait : « ayez confiance, pratiquez, cela va prendre du temps, mais laissons le temps à Maître Noro de nous mettre sur la voie du Kinomichi ». J’avais 14 ans à l’époque, j’avais besoin de dynamisme et Maître Noro nous demandait, lors des stages, de ralentir les mouvements, de sentir l’harmonie avec le partenaire, de sentir les spirales… Heureusement, au club, mon père nous faisait comprendre que grâce à ces consignes, le dynamisme, l’énergie et l’espace des mouvements s’installeraient dans notre pratique.

- Quelques mots sur Maitre Noro ?

Je vous invite à aller sur notre site pour une biographie plus complète.
Maître Masamichi Noro, , est né 1935 dans le nord du Japon. Uchi-Deshi ( Pensionnaire) auprès du fondateur de l’Aïkido, Maître Morihei Ueshiba, , il étudie l’Aïkido à Tokyo et au Dojo d’ Iwana de 1955 à 1961. A la demande de O’Sensei, il quitte le Japon et devient en 1961 le délégué officiel de l’Aïkido en Europe. Il voyage beaucoup en Europe et en Afrique du nord pour développer l’Aïkido, et très vite il ouvre plus 200 salles dans 12 pays. Puis, il crée l’association Institut Noro d’abord rue Constance à Paris puis rue des Petits-Hotels dans le 10ème, lieu dans lequel Michel Hamon évoquait des souvenirs l’autre soir et où nombres d’anciens pratiquants de la FFAAA reconnaissent ce dojo comme étant à l’époque l’endroit incontournable de l’Aïkido en Europe. L’enseignement y était déjà novateur : Maître Noro préparait déjà la création du Kinomichi. Puis à partir de 1979, et encore aujourd’hui, il voue son énergie et son temps à développer en Europe et dans le monde son art : le Kinomichi. Aujourd’hui le centre international, KORINDO DOJO se trouve Boulevard des Batignolles dans 17 ème.
Plus personnellement, pour avoir eu l’honneur d’une part de suivre son enseignement (j’ai pratiqué jusqu’à 8 heures par semaine dans ses dojos) et d’autre part pour avoir été quelques fois son partenaire, lors de cours, de stages ou de démonstrations, j’ai toujours ressenti puissance, justesse, douceur et joie. Ainsi au-delà de la précision technique, c’est sans doute ce qui m’encourage à avancer dans le Kinomichi actuellement.

"..la précision de sa pratique, c'est sans doute ce qui m'encourage à avancer ..."

- Quelle(s) est (sont) la (les) rencontre(s) qui a (ont) été importante(s) pour toi pendant ces années de pratique ?

Tous les ans, depuis plus de vingt ans, lors des stages d’automne, Maître Noro invitait Maître Asaï à donner deux ou trois heures de cours. Il est le représentant officiel de l’Aïkido pour l’Allemagne et surtout un ami inséparable depuis 1955 (date où ils ont commencer ensemble l’Aïkido).Ce rendez-vous avec Maître Asaï, même s’il était perturbant dans notre pratique du Kinomichi, a toujours été un moment précieux dans ma pratique, car avant tout c’était l’enseignement d’un Maître, et puis si Maître Noro nous faisait l’honneur de l’inviter c’est qu’il voulait que nous comprenions quelque chose.
Une autre rencontre, brève mais intense, fut celle avec Christian Tissier lors d’un stage Aïkido-Kinomichi en faveur des victimes du Tsunami. En tant qu’élève, j’ai été admiratif de la puissance et de la justesse de sa pratique et de son enseignement.
Enfin, il y a eu tous mes professeurs de judo à Enghien ( Mrs Guy Dupuis, Michel Chambon, Rivas et Triquet). Ils m’ont enseigné les valeurs dans un dojo : le respect, les règles et surtout la persévérance.

- Quelle est ta réponse à la question "Le kinomichi, qu'est-ce que c'est" ?

Seul Maître Noro pourrait répondre à cette question. Et très franchement je ne maîtrise pas assez les mots pour répondre et traduire ce que je ressens quand on évoque le Kinomichi. Souvent je dis : « venez suivre un cours, pratiquez avec nous, imprégnez-vous de l’ambiance qui règne sur le tatami et fort de cette expérience, donnez-moi votre version ». Tout nouveau pratiquant, qu’il ait eu, ou pas, une expérience du mouvement ou du budo, donnera une version de ressenti plus juste qu’une description verbale du Kinomichi. (ceci est valable, je pense dans toutes les pratiques). En fait, il va dire j’aime ou j’aime pas.
Kinomichi se traduit par : KI –énergie, NO- de, MICHI- voie, La voie de l’énergie. Ainsi s’il aime, le Kinomichi peut être un outil pour qu’il s’épanouisse, s’il n’aime pas, il y a d’autres pratiques, toutes aussi formidables, lui permettant de trouver sa voie.
Quand on pose la question, la réponse préférée de mon père (et la mienne du coup) est: « Il y a un bol de soupe devant nous, je t’explique comment elle a été préparée avec des ingrédients de qualité supérieure et surtout avec toute la passion d’un cuisinier. Malgré toutes mes explications, la seule chose qui te permettra de réellement savoir si elle est bonne, c’est d’y goûter »

"..l'Aïkido et le Kinomichi ouvrent pour le même but : le budo ..."

- D'après toi, quelles sont les grosses différences avec l'Aïkido ?

C’est difficile !!! Comment comparer étant donné mon peu d’années de pratique de l’Aïkido. Si on se place au niveau de l’objectif ultime de nos deux pratiques, il n’y pas de différence : réaliser l’harmonie des énergies grâce aux outils que sont les techniques.
Pour moi la grosse différence est dans le chemin que Maître Noro nous a fait prendre pour cet objectif. Grâce à l’initiation 1 , dans laquelle les mouvements sont réalisés lentement en axant l’intention sur l’écoute, la spirale, la précision des placements et la sincérité du contact, nous cherchons l’objectif ultime. Puis dans chaque initiation suivante avec de plus en plus de dynamisme, l’objectif reste le même. Les pratiquants de Kinomichi ont la possibilité, en fonction de leur condition physique, de leur âge ou de leur volonté, de pouvoir pratiquer, et trouver l’harmonie à chaque niveau d’initiation.( Pour l’instant, Maître Noro nous a fait découvrir 6 niveaux d’initiations.) En même temps, depuis plusieurs années, nous nous sommes rendu compte que grâce à cette méthode progressive, de plus en plus de pratiquants acquerraient la possibilité d’atteindre les initiations supérieures, et ce même à des âges avancés.
Ainsi même si la méthode est différente, l’Aïkido et le Kinomichi œuvrent pour le même but : le budo. Et je suis persuadé que c’est ensemble que nous l’atteindrons.

"..maitre Noro a très vite proscrit le terme "armes" ..."

- Je crois que vous utilisez aussi les armes, peux-tu nous en parler ?

Maître Noro a très vite proscrit le terme « armes ». Pour lui, le terme s’apparentait, pour les occidentaux, à la notion d’attaque, d’agression. Dans la même logique où il ne parlait plus de frappes ou de saisies, il nous décrivait le boken ou la canne comme « …outil de réalisation de soi…outil incontournable pour une bonne pratique du Kinomichi… ». Ces pratiques, seul ou avec partenaire, nous permettaient « de développer davantage le souffle et l’espace du mouvement ». A Enghien et au centre international, il existe plusieurs cours par semaine réservés pour la canne et le boken uniquement.

- Ton animation à Varennes-Jarcy s'est adressée à des Aïkidokas et à des pratiquants de Taï Chi Chuan. Quelle a été ton approche et comment a-t-elle été accueillie ?

Elle fut très simple et je n’avais d’ailleurs pas préparé cette animation à l’avance. L’objectif étant que nous partagions un moment de pratique ensemble, j’ai préféré découvrir les pratiquants et m’adapter dans l’instant. D’ailleurs, le terme « animation » que vous avez employé me plait beaucoup plus que « cours ».
J’ai donc pris comme base deux mouvements : un de terre Itchi (Ikyo) et un de ciel Niten (Kote Gaeshi), deux mouvements qui me semblent visuellement assez simple d’accès. Et j’ai suivi la méthode de Maître Noro : j’ai décliné ces techniques dans plusieurs initiations. J’ai observé, je vous ai demandé vos ressentis. Bien sûr en tant Aïkidokas confirmés, vous êtes rapidement entrés dans la pratique et nous avons avancé très vite dans les initiations supérieures. Pour les pratiquantes de Taï Chi, vous avez sûrement remarqué, elles ont capté facilement le mouvement et même si elles n’ont pas pu tout réaliser, elles ont approfondi les mouvements en initiation 2 et à voir leur sourire, elles ont pu pratiquer en fonction de leur désir.

- As-tu un message particulier à transmettre aux adhérents du club de Varennes-Jarcy ?

Je tenais à vous féliciter tous pour votre niveau de pratique. J’ai eu l’occasion de pratiquer avec chacun d’entre vous en tant que Tori et Uke et ce fut un réel moment de bonheur. Pour les adhérents qui ne pouvaient être présents, j’espère que nous pourrons nous rencontrer prochainement, car l’image que véhicule votre section me donne vraiment envie de pratiquer avec tous les membres de Varennes-Jarcy.

".. le plaisir est toujours total et constructif..."    

- Une question pour ceux qui n'étaient pas à ton animation, "Le Niten à son Pépère" c'est quoi ?

C’est amusant que cette expression vous ait marqués. En fait lorsque, avec Bruno, nous pratiquions ensemble, son nichi (nikyo) était très puissant, très enveloppant… Enfin bref c’est un des mouvements qu’il maîtrise et qu’il affectionne particulièrement (c’est son mouvement fétiche.) Ainsi comme l’expression « p’tit chienchien à sa mèmère », à chaque fois qu’il réalisait cette technique je savais qu’il prenait un plaisir immense et pour le taquiner je lui disais : « c’est le p’tit Nichi à son pépère ». Et puis nous avons élargi l’expression avec d’autres mouvements. Je vous rassure, cela n’engage que nous et je comprends que cela puisse surprendre dans le contexte. Vous savez mon père nous enseigne la rigueur, la persévérance et le sérieux. Tenez ! Une autre phrase qu’il affectionne : « on pratique sérieusement mais on ne se prend pas au sérieux ».

"..on pratique sérieusement mais on ne se prend pas au sérieux ..."

- Pour finir, quelle question aurais-tu aimé que je te pose ? Et quelle aurait été ta réponse ?

En un mot, comment résumerais-tu cette rencontre ?
J’aurais répondu « Le plaisir » car avec la rigueur et le sérieux avec lesquels chacun s’est engagé ce soir, le plaisir est toujours total et constructif.

Un grand merci François d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Ton animation et ton interview auront sans aucun doute une place d'honneur dans la mémoire du club. "Le plaisir est toujours constructif" disais-tu ? Alors au plaisir de construire à nouveau ensemble !!

P@scal

Le site internet Ki Shin Dojos

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